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L'émigrant (The Immigrant)

Big the immigrant charlie chaplin boat scene
Year :
1917
Cast :
Charles Chaplin, Edna Purviance, Kitty Bradbury, Albert Austin, Henry Bergman, Loyal Underwood, Eric Campbell, William Gillespie, James T. Kelly, John Rand, Frank J. Coleman, Tom Harrington, Janet Miller Sully
Production :
Mutual
Description :
*L’Émigrant*, qui contient de nombreux éléments de satire, d’ironie et de romance autant qu’une véritable poésie cinématographique, reste au XXIe siècle un chef-d’œuvre du cinéma comique. Onzième film de la série Mutual, *L’Émigrant* est son film en deux bobines le mieux construit, et restera son favori parmi ses comédies en deux bobines. L’idée originale était d’adapter librement *Trilby* dont l’action se situe dans le Quartier latin à Paris, mais l’histoire du film a évolué pour devenir une comédie de deux immigrants qui se rencontrent sur un bateau puis se perdent de vue, et se retrouvent plus tard par hasard entourés d'un serveur acariâtre et d'un artiste enthousiaste. Chaplin tourne autant de pellicule pour ce seul court métrage que la plupart des metteurs en scène tournaient à l’époque pour un long métrage. Dans son effort pour affiner son scénario, il impressionne plus de 30.000 mètres de pellicule négative (le film mesure environ 630 mètres au final), et passe encore quatre nuits sans dormir pour perfectionner le montage final. En créant *L’Émigrant*, Chaplin s’inspire évidemment de sa propre expérience lorsqu’il arrive aux Etats-Unis. Il tente de donner une vision humoristique de l’expérience généralement traumatique de l'émigration. Chaplin invente de nombreux gags et scènes comiques inspirés par la dureté du voyage transatlantique sur un vaisseau d’émigrants. L’effet comique est augmenté par les effets de roulis du bateau, essentiellement réalisés grâce à un lourd pendule fixé sous la tête de caméra. Totheroh fixa la caméra sur un trépied spécial qui permettait à l’axe de la caméra de balancer d’un côté à l’autre. Lorsque le bateau tanguait, la camera tanguait donc elle aussi. Le roulis à l’intérieur du réfectoire est obtenu en construisant le décor en équilibre sur un axe. La question de balancement parfaitement solutionnée, Chaplin devient libre de décliner tous les gags imaginables sur fond de mal de mer. Il a également trouvé des idées pour le film dans sa propre expérience en tant qu’étranger nouvellement arrivé aux Etats-Unis qui doit rester prudent avec l’argent. A l’époque, Chaplin était intimidé par les serveurs, et se rendait compte qu’il n’était pas le seul. Cette peur lui donnera l’idée de la séquence du restaurant. Chaplin est satisfait, à juste titre, de l’élément de surprise qui ouvre le film. En 1918 il écrit : *« Comprendre ce que le public attend, puis le surprendre en faisant quelque chose d’autre, est très amusant pour moi. Dans la scène d’ouverture de l’un de mes films, *The Immigrant*, j’étais penché au-dessus du bastingage. Seul mon dos était visible, et par les soubresauts de mes épaules on imaginait que c’était à cause du mal de mer […] En fait, j’induisais délibérément le public en erreur car quand je me suis relevé, je tenais en réalité un poisson au bout d’une ligne. Le public découvrait alors qu’au lieu d’avoir le mal de mer, j’attrapais un poisson. Pour le public la surprise était totale et provoquait le rire. »* Le gag présage une séquence similaire dans *Charlot et le masque de fer* : Chaplin, de dos à la caméra, semble secoué par des sanglots mais lorsqu’il se retourne, il est en réalité en train de faire des mouvements pour se préparer un cocktail. Des critiques sociales sont évoquées dans *L’Emigrant*, l’un des premiers films de Chaplin à aborder de tels thèmes, rarement évoqués dans les comédies de cette époque. Par exemple, lorsque les émigrants voient la statue de la Liberté pour la première fois, les agents d’immigration entassent ces étrangers derrière une corde comme des bestiaux, donnant une vision bien peu glorieuse du « pays de la liberté ». Et lorsque l’officier tourne le dos et s’éloigne de Charlie, ce dernier lui donne un coup de pied au derrière. Carlyle Robinson, le nouveau directeur de la publicité de Chaplin, arrive au studio le jour où les rushes de cette séquence sont projetés. Chaplin demande au nouvel employé ce qu’il en pense : *« Très drôle, et très réaliste, »* répond Robinson. *« Vous ne trouvez rien de choquant dans cette scène ? »* *« Je ne vois rien de choquant là-dedans. »* La question de la critique sociale avait été posée par l’un des associés de Chaplin, et la réponse de Robinson le satisfera pleinement. Comme l’avait proposé Robinson, la scène fut conservée dans la version finale et il n’y eut jamais aucune remarque. En fait, les critiques n’ont pas été gênés par ces nuances de critique sociale et Julian Johnson écrira dans « Photoplay », « Dans sa dureté et son apparente simplicité, ce film est un bijou aussi brillant qu’une nouvelle de O. Henry, et aucune farce comique sur scène n’a été menée avec autant d’adresse et de perfection depuis de nombreuses années. » *L’Emigrant* est un moment important dans l’évolution du cinéaste Chaplin car pour la première fois, le personnage de Charlot termine le film dans la promesse d’une relation sentimentale durable. Lors du tournage, pour donner une ambiance romantique à la scène – Chaplin – comme bien d’autres réalisateurs au temps du muet – engage des musiciens d’ambiance pour jouer une musique tendre hors champs pendant la prise. Il écrit dans son autobiographie : « Même dans ces premières comédies, je m’efforçais de créer une ambiance ; j’y parvenais généralement grâce à la musique. Une vielle chanson intitulé *Mrs Grundy* me fournit l’ambiance de *The Immigrant*. La mélodie était empreinte d’une tendresse nostalgique qui faisait penser à deux malheureux esseulés qui se mariaient par une journée triste et pluvieuse. » Chaplin garda au film une place toute particulière dans ses souvenirs. Il écrira dans *My Life in Pictures*, « *The Immigrant* m’a touché plus qu’aucun autre film. J’ai toujours trouvé que la fin avait vraiment une poésie communicative. » Texte écrit par Jeffrey Vance, adapté du livre Chaplin: Genius of the Cinema (New York, 2003) © 2009 Roy Export SAS. Traduction française adaptée des textes de pochette du coffret La Naissance de Charlot : The Mutual Comedies 1916-1917. Serge Bromberg. Arte France/Lobster Films. Paris : 2013
DVD & Blu-ray :

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